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Histoire et mémoires de la Première Guerre mondiale Vers la construction d’une identité nationale, européenne et mondiale

lundi 8 septembre 2014

« L’année 2014 verra débuter le cycle des commémorations nationales et internationales du Centenaire de la Première Guerre mondiale. Ce cycle s’inscrit dans plusieurs enjeux mémoriels de première importance : compréhension d’une épreuve qui engagea l’ensemble de la société française, transmission de cette mémoire aux Français d’aujourd’hui, hommage rendu à ceux qui vécurent la guerre et firent le sacrifice de leur vie ».

Lycée Anna Judic – Semur-en-Auxois (21)

Ainsi débute la note de service ouvrant le Centenaire de la Grande Guerre au sein de l’Education nationale (1) où il est demandé aux enseignants de s’associer « aux dispositifs mis en place à l’occasion des commémorations du Centenaire » et notamment de veiller « à associer les élèves aux cérémonies et manifestations locales ou nationales rendant hommage aux combattants et aux victimes de la guerre qui rythmeront les commémorations au cours de l’année 2014 ».

En somme, il convient d’un côté d’apprendre aux élèves à forger leur propre esprit critique, tout en invitant de l’autre leurs enseignants à « rendre sensible la dimension d’épreuve nationale de ce conflit » et en les faisant participer à des manifestations de recueillement.

C’est autour de cette contradiction apparente que le projet de la section européenne du lycée Anna-Judic de Semur-en-Auxois s’est créé.

Ouvrir les portes et les fenêtres de la classe

Notre projet d’étude des mémoires de la Première Guerre mondiale est d’abord né d’une envie des élèves d’échanger avec la République Tchèque. Très rapidement, il a aussi été décidé que ce travail s’inscrirait dans une logique d’ouverture et d’échanges avec d’autres acteurs du monde de l’éducation et d’autres partenaires extérieurs qui nous obligeraient à sortir de la salle de classe. S’agissant d’un projet international mené dans le cadre d’une section européenne, la dimension pluridisciplinaire s’est aussi rapidement imposée au croisement de l’histoire, de l’éducation civique et des langues étrangères.

Pour l’enseignant, cela implique de changer résolument de posture : il ne s’agit plus en effet de transmettre un savoir et une méthode savamment préparés pour répondre aux objectifs que l’on s’est fixé seul en début d’année, mais de laisser les élèves prendre en charge leur projet et se confronter à des difficultés concrètes, tout en les accompagnant et en soutenant leur motivation. Telles sont les bases de ce que l’on appelle « la pédagogie de projet » (2) .

Etudier l’histoire de la Grande Guerre par l’intermédiaire de ses mémoires

Ce projet ne se réduit cependant pas seulement à sa dimension européenne. Il consiste aussi à étudier la place et le rôle des mémoires de la Première Guerre mondiale dans la construction d’identités nationales, européenne et mondiale.

Concrètement, cette problématique prend complètement à revers la dimension patrimoniale de l’enseignement scolaire pour lui préférer une approche résolument réflexive et critique, à l’image de ce qui a été récemment introduit en classe de Terminale L et ES (lecture historiques des mémoires de la Seconde Guerre mondiale et de la Guerre d’Algérie) (3) , mais aussi dans les classes préparatoires au CAP (Verdun et la mémoire de la bataille) (4). En somme, il ne s’agit plus seulement d’inciter nos élèves à participer aux cérémonies commémoratives en leur transmettant une mémoire chargée d’émotion (la brutalité de l’expérience combattante, les difficultés des civils à l’arrière, le traumatisme de toute une génération devant le bilan humain et matériel de la guerre), mais plutôt de les encourager à réfléchir sur les modalités de l’émergence d’une mémoire de la Première Guerre mondiale qui persiste un siècle plus tard par l’intermédiaire des monuments, des médias, des historiens, des associations, des archives, et même des programmes scolaires.

Or, les élèves ont rapidement compris que pour comprendre l’émergence des mémoires, il était nécessaire d’étudier au préalable les faits historiques !

Coécrire une histoire européenne de la Première Guerre et de ses mémoires

Concrètement, les séances se sont construites autour de différentes manifestations mémorielles de la Première Guerre mondiale à l’échelle locale (les vitraux de la Collégial de Semur-en-Auxois), nationale et internationale (les différentes commémorations mises en œuvre dans le monde pour le Centenaire, la Grande Guerre dans les différents programmes d’enseignement en Europe, etc.).
Une attention particulière a également été accordée à la multiplicité des supports pouvant contribuer à la transmission mémorielle. Ainsi, nous avons certes étudié des monuments traditionnels, mais aussi des affiches, des chansons, des textes législatifs ou encore les archives de certaines associations.

A l’issue de chaque étude, un groupe d’élèves était chargé de rédiger une synthèse répondant à un format précis afin d’enrichir progressivement notre production finale. Au moins de juin 2014, un site Internet sera en effet inauguré afin de recueillir et exposer l’ensemble des travaux réalisés durant l’année… mais aussi passer le relais aux classes suivantes qui auront la lourde mission de poursuivre le projet durant toute la durée du Centenaire, c’est-à-dire jusqu’en 2019 !

Le défi est cependant déjà relevé pour l’année prochaine. Grâce à la mise en ligne d’une vidéo de présentation de leur travail, les élèves ont déjà pris contact avec d’autres étudiants en Ecosse, en Belgique, en Allemagne et en République Tchèque. Dès le mois de septembre 2014, ils travailleront en équipes internationales sur l’histoire de leurs établissements scolaires respectifs dans la tourmente de la Première Guerre mondiale. L’utilisation de l’anglais comme langue de travail nous permet en effet d’avoir accès à une multitude de sources que nos élèves échangent entre eux après les avoir traduites.

Accéder à la vidéo de présentation du projet

D’autres contacts nous permettent également d’envisager dès à présent de futures études tout aussi passionnantes telles que la participation des colonies dans la Première Guerre mondiale ou encore une histoire comparée des affiches de propagande à l’échelle européenne.

A terme, nous avons l’ambition d’écrire une histoire des mémoires de la Première Guerre mondiale afin de comprendre pourquoi cet évènement occupe encore une place tellement importante dans la plupart des pays européens aujourd’hui. Son auteur : les centaines d’adolescents qui auront pris part, à un moment ou à un autre, à ce projet.

(1) « 2014 : Les commémorations du Centenaire de la Première Guerre mondiale », note de service n° 2013-094 du 7-6-2013 (http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=72237).

(2) Catherine Reverdy, « Des projets pour mieux apprendre ? », in Dossiers d’actualité veille et analyses de l’Institut français de l’Education, numéro 82, février 2013.

(3)http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=5757

(4) http://www.education.gouv.fr/cid50636/mene0925419a.html